samedi 14 mai 2011

Question pour un champion


Vendredi soir, c'est soirée disco culture avec au programme une conférence de Philippe Descola au musée des Arts Premiers. Philippe Descola est un gentil monsieur à barbe blanche, anthropologue de son état et plus connu pour avoir récemment conçu l'exposition La Fabrique des Images au musée du Quai Branly. La conférence porte d'ailleurs sur ce même thème, à savoir : comment appréhendons-nous une image, à quel types de schémas fait-on appel et peut-on en déduire différents modèles iconologiques ? Ceux qui ont déjà visité l'exposition le savent, il en existe d'après lui quatre : animisme, naturalisme, totémisme et analogisme. Quatre visions du monde pour quatre interprétations différentes des images le représentant.

Tous ces "ismes" sont grisants (ou est-ce le mousseux ?) et donnent à l'ensemble un petit goût d'avant garde (et de saumon fumé). Car oui, le temps est doux, le vin agréable, le buffet original (noter l'idée du support "tranche de concombre", plus original que la tartinette de pain de mie) et le cadre idyllique. Le jardin du musée offre une vue imprenable sur la ville, le fleuve scintille tellement qu'on touche au cliché et les bancs dispersés sous les arbres donnent envie de passer une robe pastel, de lire de la poésie et de se faire portraiturer par Fragonard. Il ne manque plus qu'un air de clavecin.

C'est donc l'esprit tout prêt à s'élever que nous entrons dans le vif du sujet. Le thème est ardu mais l'idée passionnante. Comment des populations qui attribuent une intériorité humaine à toute entité peuvent-elles comprendre les images de ceux qui considèrent justement cette intériorité comme le propre de l'Homme ? Comment des sociétés qui classent leurs membres en différentes catégories immuables car créées par des entités supérieures sauraient-elles appréhender l'art produit au sein d'un groupe qui met au contraire en valeur la singularité et l'unicité de ses représentants ? La réponse est évidemment dans l'apprentissage des différents systèmes : mieux les connaître pour mieux les comprendre.

La démonstration s'appuie sur les traditionnels masques et totems de contrées exotiques, manifestes de ces différences de perception selon les peuples. L'exercice vaut cependant pour des formes d'art plus familières : la différence entre un paysage hollandais et un paysage chinois est moins formelle que conceptuelle. Le bouleversement de la représentation humaine à la Renaissance ne se résume pas à une invention de perspective mais bien à un changement de rapport de l'homme à son univers.

Et si tout cela est limpide pour vous, prière de réfléchir à la meilleure question de la soirée : "Mais que penses-tu des bulles de mimétisme qui existent parfois au sein de sociétés analogistes comme dans la Grèce hellénistique ?"

Un musicien se met au clavecin. Ca y est, cette soirée est parfaite, je peux sortir ma robe poudrée et m'asseoir sous un saule pleureur. Quoique. Que signifierait au fond ce tableau bucolique ? Vous avez raison Monsieur Descola, "les images ne parlent pas d'elles-mêmes".

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